Europol : la criminalité environnementale, un défi important pour les forces de l'ordre

Europol | juillet 2022

Selon un rapport récent d’Europol, la criminalité environnementale couvre plusieurs activités qui enfreignent la législation environnementale et causent des dommages ou des risques importants à l’environnement ou/et à la santé humaine. Il s’agit d’activités criminelles telles que la collecte, le transport, la valorisation ou l’élimination inappropriés des déchets, l’exploitation illégale d’une usine dans laquelle une activité dangereuse est exercée ou de substances dangereuses sont stockées, l’assassinat, la destruction, la possession ou le commerce d’animaux ou de plantes sauvages protégés, la production, l’importation, l’exportation, la commercialisation ou l’utilisation de substances appauvrissant la couche d’ozone.
Depuis plusieurs années, les organisations criminelles ont commencé à se livrer à des crimes environnementaux parallèlement à d’autres activités criminelles, motivées par des profits élevés et des sanctions peu sévères. Elles ont commencé à commettre des crimes environnementaux soit en tant que changement d’activité criminelle, soit comme une source supplémentaire de profit. De l’autre côté, un grand nombre des criminels actifs dans les crimes environnementaux ont des entreprises légales qui se tournent vers le crime de manière opportuniste afin de profiter des vulnérabilités liées à leur industrie. Des activités commerciales légales, telles que la production et la gestion des déchets, le commerce de la faune et de la flore, la production et la vente de carburant, fonctionnent comme le principal facilitateur des crimes environnementaux et, en même temps, comme la façade parfaite pour dissimuler des activités illicites. En 2016, les dommages économiques mondiaux causés par la criminalité environnementale ont été évalués entre 76 milliards d’euros et 218 milliards d’euros et a continué d’augmenter. En 2019, la Banque Mondiale a évalué que la perte économique mondiale annuelle du trafic d’espèces sauvages, de l’exploitation forestière illégale et de la pêche illégale dans l’Union Européenne ont atteint 1.000 à 2.000 milliards de dollars. Rien que dans l’Union, les bénéfices des certains réseaux criminels impliqués dans des crimes environnementaux génèrent des millions d’euros de pertes chaque année.
Le changement climatique fonctionne comme un facteur d’incitation et d’attraction pour le crime organisé. Le secteur des énergies renouvelables s’accroitra pendant les années à venir et attirera des investissements privés ainsi que des financements publics, de plus en plus attrayant pour les criminels. Le changement climatique peut entraîner une pénurie de produits essentiels et une hausse des prix des produits de base incitant les réseaux criminels à offrir des alternatives nuisibles à bas prix. Des conditions climatiques extrêmes ainsi que l’insécurité alimentaire dans certaines régions du monde engendrent une instabilité politique induisant des migrations massives, tout en créant des opportunités pour la contrebande, la traite d’êtres humains et l’exploitation. Malgré plusieurs améliorations législatives, dans de nombreux États membres, les infractions ne rentrent pas encore dans le cadre du droit pénal et sont traitées comme des infractions administratives, les auteurs ne recevant que des sanctions pécuniaires et administratives.
Aujourd’hui, l’un des principaux défis pour les forces de l’ordre reste l’identification des groupes criminels à l’origine des crimes environnementaux. Comme une grande partie des activités criminelles environnementales sont menées par des entreprises légales, elles sont souvent qualifiées de crimes en col blanc. En outre, l’activité légale associée à ces crimes les rendent moins visibles. De plus, les entreprises sont souvent rapidement ouvertes et dissoutes, et les routes commerciales changent fréquemment. En ce qui concerne le blanchiment des produits illicites, les criminels utilisent principalement les entreprises légales dans lesquelles ils opèrent (de gestion des déchets, de pêche, etc.). La fraude documentaire, les abus de différence dans la législation et la corruption généralisée sont les pierres angulaires de la criminalité environnementale. Par rapport à d’autres crimes organisés, les criminels environnementaux sont ceux qui utilisent le plus la corruption pour commettre leur crime.
Dans la criminalité environnementale on trouve des personnes ayant des expertises techniques dans des domaines tels que la biologie, zoologie, vétérinaire, génie biologique et génie chimique. Des conseillers financiers et juridiques sont également importants. Le rôle du courtier est essentiel pour mettre en relation les acteurs criminels situés dans différents pays.

Les principaux types des crimes environnementaux enquêtés dans l’UE sont :
1/ Les crimes liés aux déchets et à la pollution : la gestion des déchets est devenue une industrie criminelle florissante. Les cadres réglementaires établis au niveau national et international rendent le traitement des déchets plus complexe et coûteux, provoquant un marché criminel de services à des prix inférieurs. Le chiffre d’affaires de certains réseaux impliqués dans cette activité criminelle s’élève à plusieurs millions d’euros chaque année. Parmi les déchets sont les produits plastiques, les DEEE (tels que des panneaux solaires) et le trafic des navires en fin de vie. On retrouve aussi dans cette catégorie de crimes, la fraude au carburant, le trafic de carburant de basse qualité vers l’Afrique de l’Ouest ainsi que le trafic illégal d’émulateurs Adblue. Les réseaux criminels de l’UE ciblent de plus en plus l’Europe centrale et orientale pour le trafic de déchets illicites provenant de l’Europe occidentale. En dehors de l’UE, les trafiquants de l’UE ciblent principalement l’Asie du Sud-Est en tant que destination des déchets plastiques illicites et des navires à la fin de vie, et l’Afrique pour les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Le déclassement des déchets dangereux en déchets non dangereux est le principal modus operandi utilisé pour le trafic de substances dangereuses. Les réseaux criminels de l’UE impliqués dans la fraude au biodiesel achètent des mélanges illicites non européens pour produire du biodiesel et obtenir illégalement des subventions de l’UE.
2/ Les crimes liés au trafic d’espèces sauvages de faune et de flore : il s’agit d’une activité criminelle lucrative s’appuyant sur le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale et qui génère de perte de revenue pour beaucoup de pays. En outre, le commerce illégal d’espèces sauvages est une activité criminelle à forte intensité monétaire. Les réseaux fonctionnent principalement en espèces, en particulier dans les pays d’origine (pour payer les braconniers). Les réseaux recourent aussi largement aux virements bancaires (à l’aide d’hommes de paille et de sociétés écrans) dans plusieurs juridictions, paiements Internet et mobiles, cartes de prépaiement, systèmes de transfert d’argent, Hawala et crypto-monnaies. Parmi les espèces trafiquées on retrouve l’anguille européenne (Anguilla anguilla), dont la production de viande est une industrie de plusieurs milliards d’euros, trafiqué depuis la France, l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni vers l’Asie, les reptiles originaires de l’Afrique, l’Amérique et l’Océanie et les oiseaux et les œufs d’oiseaux. Les spécimens sont étiquetés comme non-CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction), et les documents pour l’importation de stock légal sont également utilisés à des fins illégales.
3/ La pêche illégale, non déclarée, non réglementée (INN) : malgré l’existence d’un cadre légal international sur les pêcheries, il reste très difficile pour les forces de l’ordre d’identifier les produits de la pêche capturés illégalement.Les chaînes d’approvisionnement sont complexes et les processus réglementaires impliquent une grande quantité de paperasse, ce qui rend le système vulnérable aux abus. Parmi les espèces pêchées et trafiquées illégalement on retrouve le thon rouge européen (Thunnus thynnus), les mollusques, le crabe chinois à mitaine, espèce exotique envahissante trafiqué à travers l’Europe qui cause de graves dommages à l’écosystème endémique. Dans l’ensemble de l’UE, la majorité des espèces protégés faisant l’objet d’un trafic, sont commercialisés sur les marchés en ligne et les plateformes de médias sociaux.
4/ Autres crimes environnementaux tels que les crimes forestiers et le trafic illégal d’animaux de compagnie.

A côté de crimes environnementaux ci-dessus, le rapport cite d’autres crimes ayant un impact négatif sur l’environnement et la santé humaine : a) la production de drogues, telles que les drogues synthétiques et le cannabis dont les déchets sont une source importante de dommages environnementaux liés au crime organisé dans l’UE, b) les produits contrefaits présentent des risques considérables pour la santé et la sécurité des consommateurs alors qu’ils peuvent avoir un impact environnemental important et c) les fraudes à l’investissement vert, les détournements de fonds, les fraudes aux certificats d’émission et aux crédits carbone, les faux certifications de qualité et la fraude à la TVA liées à la gestion des déchets et aux crédits carbone.
Le rapport conclut que la lutte contre les crimes environnementaux restera un défi vu que l’industrie environnementale croissante représentera des nouvelles opportunités d’exploitation pour les criminels qui, afin d’éviter les contrôles des forces de l’ordre, se tourneront vers des communications cryptées et d’autres technologies telles que Fintech et les cryptomonnaies. Afin de faire face à ce défi, chaque État membre devrait augmenter son budget, développer d’unités environnementales spécialisées et combler les lacunes en matière de connaissances techniques.

Voir le rapport ici.

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