Rapports de l'OEDT sur le marché des drogues dans l'est et sud de l'Europe

Observatoire européen des drogues et des toxicomanies | 21.11.22

L’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT) vient de publier deux rapports, dans le cadre du projet EU4Monitoring Drugs (EU4MD) financé par l’Union Européenne, sur le marché de la drogue dans les régions d’Europe de l’Est et du Sud (European Neighbourhood Policy, ENP-Est et ENP-Sud). Parmi les conclusions, figurent l’émergence de nouvelles voies de trafic de drogues, l’expansion du marché en ligne et la disponibilité d’un plus large éventail de substances (tendance accentuée pendant le COVID-19). Les analyses offrent un aperçu sur la production, le trafic, la disponibilité, l’utilisation et les dommages pour la santé de la drogue et elles explorent les moteurs et les facilitateurs de ces marchés dans les deux régions. En outre, les rapports mettent en évidence les menaces spécifiques liées à la drogue. D’autres défis sont également identifiés, notamment l’insécurité économique, la corruption, l’impact sur la bonne gouvernance et l’état de droit, les conflits en cours et l’internationalisation des réseaux criminels organisés. Les rapports révèlent également comment les schémas de consommation de drogues évoluent, avec une plus grande variété de substances utilisées. Les sources de données des deux rapports inclues des agents des douanes et de la sécurité, des prestataires de soins de santé, des chercheurs, des ONG, des représentants du gouvernement et des organisations internationales, de la littérature scientifique, des articles de presse et des sources ouvertes.

Conclusions principales sur l’ENP-Est (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine) : Le partenariat Est de la région de la politique européenne de voisinage (ENP-Est) est une zone de transit importante pour les drogues illicites, car plusieurs routes de trafic majeures la traversent. La Biélorussie, la Moldavie et l’Ukraine sont aux frontières avec l’Union Européenne et se trouvent sur la route nord du trafic d’héroïne vers l’Europe. Par ailleurs, les pays du Caucase du Sud, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, sont situés près de l’Afghanistan, le centre mondial de la production d’opium et d’héroïne et une zone, récemment, émergente de production de méthamphétamine. Deux grandes routes du trafic d’héroïne en provenance d’Afghanistan (routes des Balkans et du Nord) ont un impact sur la région. Des rapports font état d’une baisse de la consommation d’héroïne dans la région ENP-Est et d’une augmentation de la consommation d’opioïdes synthétiques (par exemple, la méthadone de rue), en particulier en Biélorussie, en Moldavie et en Ukraine. Les facteurs moteurs possibles de l’intérêt pour les opioïdes synthétiques sont la faible pureté de l’héroïne et le prix relativement bas de la méthadone de rue et des médicaments détournés du traitement par opioïdes. Par ailleurs, la consommation et les saisies de cocaïne semblent être faibles dans la région. Mais il y a des signes qu’une nouvelle route de trafic de cocaïne pourrait s’être développée récemment, par laquelle la drogue est acheminée depuis l’Amérique du Sud vers les pays bordant la mer Noire, potentiellement destinée au marché de l’UE. En effet, l’Ukraine a signalé les plus grandes quantités de cocaïne saisies en 2019, 837 kilos, et 2020, 166 kilos. Alors que les informations relatives aux réseaux criminels internationaux liés à la drogue dans la région sont limitées, la présence de la ‘Ndrangheta a été signalée en Ukraine en 2021, lorsque 120 kilos de cocaïne ont été saisis au port d’Odessa. Un développement régional important semble être l’expansion des marchés des drogues en ligne. Ces marchés jouent désormais un rôle plus important dans la vente et l’achat de drogues en Arménie, en Biélorussie, en Géorgie, en Moldavie et, jusqu’à récemment, en Ukraine. Les réseaux criminels organisés jouent un rôle dans la production de drogues de synthèse dans certains pays de la région, comme l’Azerbaïdjan où la production de méthamphétamine semble avoir augmenté depuis 2018. Une menace potentielle pour la région pourrait être la production et le trafic de drogues synthétiques en provenance de l’UE. En effet, l’utilisation de MDMA aurait augmenté dans certains pays de la ENP-Est.
Enfin, le rapport comprend une section sur l’impact potentiel de la guerre en Ukraine. Ainsi, le transit des cargaisons de drogue par l’Ukraine diminuerait à court terme alors qu’une augmentation de l’utilisation d’autres points d’entrée pour l’expédition de drogue serait constatée dans la région de la mer Noire. La production nationale de drogues devrait également rester modérée, tandis que les services de santé, y compris le traitement de la toxicomanie, continueront de faire face à des perturbations et à des problèmes opérationnels.

Conclusions principales sur l’ENP-Sud (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Palestine, Syrie et Tunisie) : Certaines zones clés de production mondiale de cannabis sont situées dans cette région (concentrées au Maroc et au Liban), tandis que la production de comprimés de captagon aurait lieu en Syrie et au Liban. La région ENP-Sud est perçue comme un marché de consommation de drogues en croissance. Il contient également plusieurs plaques tournantes du trafic de drogues, dont l’importance semble augmenter. La culture du cannabis semble relativement stable du côté nord-africain de la région, mais il y a des signes d’augmentation de sa culture au Liban, en Syrie, en Israël et, dans une moindre mesure, en Palestine. La dernière décennie a vu des changements dans le cadre juridique de certaines formes de la culture du cannabis au Liban et au Maroc. L’herbe de cannabis et la résine de cannabis sont les substances les plus trafiquées dans la région, avec des itinéraires traversant presque tous les pays de l’ENP-Sud. En outre, la région ENP-Sud est une zone de production clé pour l’amphétamine, notamment sous forme de comprimés de captagon. La production semble être concentrée en Syrie et au Liban, et des affrontements violents entre les forces de sécurité et les trafiquants de captagon aux frontières jordaniennes avec la Syrie ont été signalés. La production et le trafic de captagon liés à des acteurs étatiques et non-étatiques deviennent une menace croissante pour la sécurité dans la région, avec des itinéraires couvrant un grand nombre de pays. Les schémas de consommation de drogues semblent évoluer dans la région vers une plus grande variété de substances. L’utilisation de stimulants synthétiques, tels que l’amphétamine, la MDMA, certains NPS (nouveaux produits de synthèse) et les produits pharmaceutiques détournés (par exemple la prégabaline) est signalée comme étant de plus en plus courante. Il semble également y avoir un marché croissant pour la méthamphétamine dans la région, principalement au Moyen-Orient alors que la consommation d’héroïne continue toujours à exister dans certains pays, dont l’Algérie, Israël, le Maroc et la Tunisie. Les défis économiques et les conflits en cours, comme au Liban, en Libye et en Syrie, peuvent avoir contribué à l’expansion de l’économie de la drogue dans la région, en termes de demande accrue de substances illicites ainsi qu’en tant que moteur d’une participation accrue à leur production, leur trafic et approvisionnement. Au Liban, par exemple, certains agriculteurs semblent être passés des cultures licites au cannabis pour compléter leurs revenus. Par ailleurs, les réseaux criminels internationaux dans la région ENP-Sud constituent une menace importante pour la sécurité et la santé. Il semble y avoir une plus grande connectivité entre les réseaux criminels basés dans la région et ceux basés dans d’autres zones géographiques. Les réseaux criminels exploitent parfois les communautés de la diaspora (principalement en Europe) pour faciliter les activités du marché de la drogue (par exemple, la Mocro-mafia). Pour ce qui est des réponses de l’État aux problèmes de drogue dans la région, elles sont principalement orientées vers la réduction de l’offre, bien que, ces dernières années, il y a eu une certaine expansion des approches vers la protection de la santé publique.

Voir les deux rapports ici et ici.

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