Rapport européen sur les drogues 2024 : tendances et développements

Observatoire européen des drogues et des toxicomanies | Juin 2024

L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) a publié son Rapport européen sur les drogues 2024 : tendances et développements. Ce rapport annuel offre une analyse complète de la situation des drogues en Europe, en compilant des données fournies par les États membres de l’UE, la Turquie et la Norvège. En dressant par la même occasion, les défis auxquels sont confrontés les pays membres. Le rapport met en évidence la disponibilité persistante de drogues illicites sur tout le continent : “Everywhere, Everything, Everyone”. Les saisies de drogues par les forces de l’ordre indiquent que le cannabis, la cocaïne, les amphétamines et l’héroïne restent les substances les plus répandues.

Saisies de drogues dans l’Union européenne : nombre de saisies de drogue signalées, répartition par substance, 2022 (%)

Des préoccupations particulières sont également soulevées concernant la forte augmentation de la production de méthamphétamine et l’augmentation de la concentration dans les drogues. Pourtant, les prix, eux, sont en baisse. En plus, on note également l’apparition de nouvelles substances psychoactives sur le marché. En plus de l’offre croissante de drogues, le rapport souligne également les méfaits importants liés à la consommation de drogues : les surdoses, les maladies transmissibles et les traumatismes continuent d’avoir un impact dévastateur sur les individus et les communautés.

Mais on observe des problèmes sous-jacents, comme l’augmentation de la violence liée au trafic et l’exploitation de mineurs, ou encore l’exploitation de nouvelles routes de la drogue, ce qui ne facilite pas le travail des autorités. Le rapport souligne la nécessité d’intensifier les efforts de prévention, de traitement et de réduction des risques pour atténuer ces méfaits tout en reconnaissant les progrès réalisés dans certains domaines. L’accès aux traitements de substitution aux opiacés, par exemple, s’est élargi, accompagné de programmes de réduction des risques. Le rapport appelle à une coopération et à une coordination renforcées entre les pays membres, ainsi qu’à un investissement accru dans des politiques fondées sur des preuves et centrées sur la personne.
Pour ajouter, voici quelques données :

Le cannabis (résine et herbe) reste la drogue illicite la plus couramment consommée dans l’Union européenne, avec une prévalence d’utilisation environ cinq fois supérieure à la deuxième substance la plus utilisée : la cocaïne.
♦ En chiffre : on observe que le prix de la résine de cannabis au détail est compris entre 9 et 13 euros par gramme, et entre 2.300 et 4.700 euros le kilo. Le THC (principale puissance active du cannabis) de la résine varie entre 22% et 29%. En 2022, la teneur moyenne en THC dans la résine de cannabis était de 24,8 % dans l’Union européenne, comparée à 10,1 % pour l’herbe de cannabis. La teneur en THC de la résine a doublé au cours des dix dernières années et continue d’augmenter, tandis que celle de l’herbe est restée globalement stable. Les saisies se comptent au nombre de 243.000 pour la résine.

♦ De nouvelles formes : la diversité des produits à base de cannabis en Europe est en augmentation, tant sur le marché illicite que sur le marché de consommation. Cela inclut des produits à faible teneur en THC, du CBD, ou les deux. Le marché illicite voit une disponibilité croissante d’extraits à haute puissance et de produits comestibles, les « gummies » par exemple (traduit par bonbons, voir photo ci-dessous), ce qui est préoccupant en raison des cas d’intoxication aiguë signalés dans les services d’urgence hospitaliers. De plus, certains produits vendus comme du cannabis pourraient être adultérés avec des cannabinoïdes synthétiques puissants, comme les cannabinoïdes semi-synthétiques, comme l’hexahydrocannabinol (HHC), l’hexahydrocannabiphorol (HHC-P) et le tétrahydrocannabiphorol (THCP). Bien que les effets du HHC sur l’homme soient peu connus, des études suggèrent un lien avec la psychose et des intoxications chez les enfants ont été rapportées après consommation de produits comestibles contenant du HHC.

De l’innovation sur le marché

La “cocaïne rose”, nouvelle drogue synthétique sur le marché européen, est un mélange pouvant inclure de la kétamine et de la MDMA, augmentant ainsi les risques de consommation accidentelle. La « cocaïne rose », historiquement présente en Amérique latine sous le nom de « tucibi » et contenant du 2CB, est désormais trouvée en Europe avec divers composants synthétiques.

Et la kétamine ?

L’intérêt public pour l’utilisation de certaines substances nouvelles, notamment les substances psychédéliques et les drogues dissociatives comme la kétamine, est en croissance. Les signes montrent une disponibilité croissante de la kétamine en Europe, représentant 9 % des nouvelles substances psychoactives saisies en 2022. Les quantités saisies ont triplé, passant de moins d’une tonne en 2021 à 2,8 tonnes en 2022, principalement au Danemark et aux Pays-Bas. La kétamine provient principalement de l’Inde, mais aussi du Pakistan et de la Chine. Bien que sa production en Europe soit limitée, la kétamine devient une drogue de choix dans certains marchés nationaux et est souvent mélangée à d’autres substances comme la cocaïne. Des incidents médicaux liés à la kétamine ont été rapportés, notamment lors de festivals en Irlande. Les résidus de kétamine dans les eaux usées montrent une faible mais croissante présence en Europe. Le nombre de personnes traitées pour des problèmes liés à la kétamine est passé de 240 en 2018 à 600 en 2022. La pureté moyenne de la kétamine testée en 2023 était de 83 %, avec des contaminants tels que des stimulants et des drogues dissociatives.

Les saisies 

En 2022, les saisies et démantèlements liés aux drogues en Europe montrent une activité significative. Pour le cannabis, les États membres de l’UE ont signalé 98.000 saisies de plantes, totalisant 3,5 millions de plants et 6,5 tonnes (contre 4,3 millions de plants et 32,5 tonnes en 2021). Deux sites de production d’héroïne ont été démantelés aux Pays-Bas, avec seulement trois saisies du précurseur d’héroïne acétanhydride en Allemagne, Espagne et Pologne. En ce qui concerne la cocaïne, 39 sites de production ont été démantelés, malgré une diminution des saisies de permanganate de potassium. Pour l’amphétamine, 108 laboratoires ont été démantelés dans sept États membres, tandis que neuf pays ont signalé le démantèlement de 242 laboratoires de méthamphétamine. Enfin, pour le MDMA, six États membres ont démantelé 48 laboratoires, avec des saisies atteignant 20,5 tonnes.

Le rapport soulève aussi d’autres questions liées à la politique de pays fournissant l’Europe : le Myanmar (ex-Birmanie) pourrait-il remplacer l’Afghanistan comme source d’héroïne pour l’Europe ? Après l’interdiction de la culture du pavot par les Talibans en Afghanistan, l’attention se tourne vers la Birmanie comme potentiel nouvelle source d’héroïne pour l’Europe. Historiquement productrice d’opium et d’héroïne pour les marchés asiatiques et océaniens, la Birmanie voit une augmentation récente de la culture du pavot, avec une production estimée à 1.080 tonnes en 2023, soit une hausse de 36 % par rapport à l’année précédente selon l’UNODC. Malgré cette reprise, la production birmane reste bien inférieure aux niveaux atteints par l’Afghanistan. Les défis incluent un environnement sécuritaire instable en Birmanie, en proie à un conflit civil depuis 2021, ce qui complique la surveillance de toute introduction d’héroïne birmane sur le marché européen. Il existe néanmoins un risque potentiel que l’héroïne du Myanmar soit détournée vers l’Europe, en raison de l’augmentation des échanges maritimes entre l’Asie du Sud-Est et l’Europe. Cependant, à court et moyen terme, il est peu probable que le Myanmar remplace l’Afghanistan comme principal fournisseur d’héroïne pour l’Europe, notamment en raison des défis sécuritaires dans le pays.

Le mardi 2 juillet 2024, l’OEDT deviendra l’Agence européenne des drogues (EUDA), avec un nouveau mandat et un rôle renforcé.

Voir le rapport ici
ou https://www.emcdda.europa.eu/publications/european-drug-report/2024_en

Par Anaë Woodward

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