Rapport de l'ONUDC sur le trafic de stupéfiants dans le Sahel

ONUDC | Avril 2024

Un rapport de l’Organisation des Nations Unies contre les Drogues et le Crime met en lumière la prolifération des trafics de drogues en Mauritanie, au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, exploitant l’instabilité régionale et la corruption endémique. Du cannabis à la cocaïne en passant par les opioïdes, ces réseaux prospèrent grâce à la position stratégique du Sahel sur le marché mondial. Les trafiquants utilisent leurs profits pour infiltrer les institutions étatiques, finançant ainsi les conflits armés et perpétuant l’insécurité dans la région.
Quelques points forts :
♦ La cocaïne, la résine de cannabis, les médicaments opioïdes sont les drogues destinées au marché international les plus saisies dans le Sahel. La drogue la plus saisie en terme de quantité est l’herbe de cannabis, mais qui est produite et consommée localement. Les consultations pour des problèmes d’usage concernent d’ailleurs principalement l’herbe…
♦ La situation géographique u Sahel en fait une escale naturelle pour la cocaïne produite en Amérique du Sud et destinée à l’Europe : les flux de cocaïne à travers l’Afrique se sont d’ailleurs intensifiés depuis 2019. D’une moyenne de 13 kilos par an sur la période 2015-2020, la quantité de cocaïne saisie dans les pays du Sahel est passée à 41 kilos en 2021 et 1.466 kilos en 2022 (surtout au Burkina Faso, au Mali et au Niger). Pour 2023, les estimations dépasseraient les 2,3 tonnes pour la seule Mauritanie…
♦ Après l’herbe, la résine de cannabis est le 2ème produit stupéfiant à être saisie au Sahel : 24,8 tonnes en 2021-2022, soit 52,6% de l’ensemble de la résine de cannabis saisi dans l’ouest et le centre de l’Afrique, ce qui indique l’importance de la route sahélienne pour cette drogue très majoritairement produite au Maroc. En dehors de la voie directe Maroc-Espagne, la résine de cannabis est généralement acheminée par voie terrestre depuis le Maroc vers la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, puis vers l’Algérie, la Libye et l’Égypte. Depuis 2020, les pays du Sahel ont signalé que la résine de cannabis est transportée par voie maritime via une autre voie maritime, principalement depuis le Maroc le long de la côte de l’Afrique de l’Ouest jusqu’aux ports du golfe de Guinée, notamment au Bénin et au Togo, avant d’être transportée vers le nord jusqu’au Niger puis vers l’Afrique du Nord
♦ Entre 2011 et 2021, la prévalence annuelle de la consommation d’opioïdes (notamment de Tramadol) est passée de 0,33 à 1,24% dans l’ensemble de l’Afrique. En 2021, l’Afrique a représenté 97% du Tramadol saisi à travers le monde. Arrivé dans les ports de l’ouest-africains (principalement au Bénin, au Nigeria et au Togo), le Tramadol prend ensuite la route du Sahel par bus, camions ou motos.
♦ Les trafiquants de drogue basés dans les pays du Sahel semblent opérer en réseaux indépendants et souples, maintenus ensemble par des liens de parenté, notamment au sein des communautés arabes, touarègues et toubous. Alors que les communautés du nord du Mali, du Niger et du Tchad ont tendance à considérer la contrebande de biens commerciaux et de carburant comme des activités licites, le trafic de drogue est généralement considéré comme illicite et moralement répréhensible.
♦ Bien qu’il existe des preuves accablantes de l’implication continue de groupes armés dans le trafic de drogue dans les pays du Sahel, il semble y avoir moins de preuves que des groupes djihadistes, tels que le Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) affilié à Al-Qaida ou l’État islamique du Grand Sahara (EIGS), jouent un rôle actif dans le trafic de drogue. Cela ne signifie pas que ces groupes ne sont pas impliqués, et des preuves de leur implication pourraient encore apparaître. Ces groupes sont également susceptibles de profiter indirectement du trafic de drogue, par le biais du paiement de la zakat par les trafiquants, une forme d’impôt sur la fortune imposée par le JNIM et l’EIGS dans les zones où ils opèrent, ou en taxant les convois qui traversent les zones sous leur contrôle.
♦ Le trafic de drogue fournit des ressources financières aux groupes armés opérant au Sahel, notamment à la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger et à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) au Mali, leur permettant de maintenir leur implication dans le conflit, notamment par l’achat d’armes. La concurrence pour les itinéraires de trafic de drogue au Sahel et les interceptions de convois de drogue par des groupes armés concurrents ont conduit à des affrontements violents et à des représailles, qui ont fait de nombreux morts et blessés parmi ces groupes, perpétuant ainsi le cycle de la violence.

Saisies de cocaïne dans le Sahel

Voir le rapport ici
ou https://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/tocta_sahel/TOCTA_Sahel_drugs.pdf

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