Honduras, Guatemala et Mexique : centres de production de cocaïne pour les marchés américain et européen

Centre international de recherche et d’analyse contre le trafic de drogue maritime | Septembre 024

Le centre international de recherche et d’analyse contre le trafic de drogue maritime, a publié un rapport d’analyse sur le Honduras, le Guatemala et le Mexique dans la production de cocaïne, intitulé « Honduras, Guatemala et Mexique, nouveaux centres de production de cocaïne pour atteindre les marchés de la drogue des États-Unis et de l’Europe ? », daté de septembre 2024. En collaboration avec la Marine colombienne, la Direction contre les drogues, et les données d’InSight Crime, ce papier a pour but de montrer les risques importants liés à ce trafic, car les cartels de la drogue redessinent la carte de la cocaïne en Amérique centrale et au Mexique. La culture de coca et la production de cocaïne s’installent désormais au cœur de ces pays, rapprochant les laboratoires clandestins des marchés de consommation nord-américains et européens.
Depuis 2017, les autorités honduriennes et guatémaltèques ont constaté une augmentation alarmante des plantations de coca sur leurs territoires. Au Honduras, le nombre de plantations saisies est passé de quelques-unes en 2017 à 59 pour la période de janvier à juillet 2024. Cette progression témoigne de l’ampleur du problème et de la rapidité avec laquelle les cartels s’adaptent aux nouvelles opportunités. Au Guatemala, la situation est encore plus préoccupante : de 75.000 arbustes de coca éradiqués en 2018, on est passé à plus de 6 millions en 2023. On note alors une augmentation de près de 8.000% en seulement cinq ans (2.343.845 arbustes en 2019, 1.210.616 en 2020, 1.746.492 en 2021, et 4.054.587 en 2022).
Cette expansion s’explique notamment par la volonté des organisations criminelles de réduire leurs coûts logistiques et opérationnels, tout en minimisant les risques de saisie lors du transport. En rapprochant la production des marchés de consommation, les trafiquants raccourcissent la chaîne d’approvisionnement et augmentent leurs profits. Les principaux acteurs de cette reconfiguration sont les puissants cartels mexicains, notamment le cartel de Sinaloa et le cartel de Jalisco Nouvelle Génération. Ces organisations criminelles tissent des alliances avec des groupes locaux au Honduras et au Guatemala, créant ainsi un réseau complexe et efficace pour la culture, la production et le transport de la cocaïne.

Plantations de feuilles de coca sécurisées au Honduras jusqu’en juillet 2024

Le Mexique joue un rôle central dans cette nouvelle dynamique. Un élément clé de cette évolution est le transfert de savoir-faire colombien vers l’Amérique centrale. Des « experts » colombiens collaborent désormais avec les groupes criminels locaux pour optimiser la culture de la coca et la production de cocaïne. Cette main-d’œuvre qualifiée permet aux nouvelles régions productrices d’atteindre rapidement des standards de qualité élevés. Ce transfert de compétences s’est intensifié après la pandémie de COVID-19, profitant des perturbations économiques et sociales pour s’implanter plus profondément dans les communautés vulnérables. Les trafiquants colombiens apportent non seulement leur expertise technique, mais aussi leurs connexions internationales, facilitant ainsi l’intégration de ces nouvelles zones de production dans les réseaux de distribution mondiaux.

Arbustes de feuilles de coca éradiqués au Guatemala jusqu’en 2023

Les organisations criminelles ciblent particulièrement les zones rurales et isolées, où la présence de l’État est faible. Elles recrutent des jeunes et même des enfants pour participer à la culture et à la transformation de la coca, profitant de la vulnérabilité économique de ces populations. Dans certaines régions du Honduras et du Guatemala, les cartels exercent un contrôle quasi-total sur des communautés entières, offrant « protection » et emplois illicites en échange d’une loyauté absolue. Cette emprise sociale complique considérablement les efforts des autorités pour éradiquer les cultures et démanteler les réseaux criminels.

Entre 2021 et 2024, le Mexique a saisi plus de 210.859 kilos de cocaïne au cours de 114 opérations, suivi par le Honduras avec 27.374 kilos en 27 opérations et le Guatemala avec 24.041 kilos en 35 opérations. Ces chiffres ne représentent qu’une fraction de la quantité totale de drogue en circulation. Les experts estiment que pour chaque kilogramme saisi, entre 5 et 10 kilos parviennent à destination. Les cartels ne se contentent pas de déplacer la production, ils innovent également dans leurs méthodes de transport. L’utilisation croissante de semi-submersibles et de drones pour le trafic maritime et terrestre pose de nouveaux défis aux forces de l’ordre. Ces technologies permettent aux trafiquants de transporter de grandes quantités de drogue tout en minimisant les risques de détection. Par ailleurs, les routes de trafic se multiplient et se complexifient. Si les corridors terrestres à travers l’Amérique centrale restent cruciaux, les trafiquants exploitent de plus en plus les voies maritimes, utilisant des ports mal surveillés et des zones côtières isolées pour leurs opérations.

L’infiltration du narcotrafic dans l’économie locale a des conséquences dévastatrices. Dans certaines régions, l’argent de la drogue a créé une économie parallèle, faussant les marchés locaux et encourageant la corruption à tous les niveaux de la société. Des villages entiers dépendent désormais de la culture de coca, rendant extrêmement difficile toute tentative de reconversion vers des activités légales. Cette situation exacerbe également les problèmes de violence et d’insécurité. Les luttes territoriales entre cartels et l’augmentation de la criminalité liée à la drogue ont un impact direct sur la qualité de vie des populations locales, provoquant des déplacements forcés et une instabilité sociale chronique.
À court terme, on peut s’attendre à une augmentation de la production de cocaïne au Honduras et au Guatemala, ainsi qu’à une diversification continue des modes de trafic. À moyen terme, les cartels pourraient développer de nouvelles techniques de dissimulation et de transport, tout en élargissant leurs activités criminelles à d’autres secteurs lucratifs comme le trafic d’armes et la traite des êtres humains. Face à ce défi, certains pays de la région envisagent des programmes de développement économique alternatif, visant à substituer les cultures illicites par des cultures légales. Cependant, la mise en œuvre de ces initiatives reste un défi de taille dans des régions où l’emprise des groupes criminels est forte. Des experts appellent à une approche plus globale pour éloigner la transformation vers un narco-Etat, combinant répression, prévention et développement économique incluant les pays d’Amérique centrale et du Mexique, mais aussi avec les États-Unis et l’Europe, principaux marchés de consommation.

Voir l’étude ici
ou https://media.licdn.com/dms/document/media/D4E1FAQGt3VQbyUq9dw/feedshare-document-pdf-analyzed/0/1727733379044?e=1728518400&v=beta&t=uVXNWcTlP3NhBYsJ86MPfeplP2zVMjPS6LYA4y_iyUc

Par Anaë Woodward

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