Haïti : violences en hausse d'une coalition de gangs

Global Initiative against Transnational Organized Crime | Juillet 2024

Le bulletin de risque de l’Observatoire de la Violence et de la Résilience en Haïti (publié par le think tank spécialisé Global Initiative against Transnational Organized Crime) présente une analyse de la situation en Haïti, marquée par une montée en puissance des gangs, notamment la coalition de gangs Viv Ansanm (« Vivre Ensemble » en créole haïtien). Cette coalition, qui regroupe les anciennes factions rivales G9 et G-Pèp, exerce désormais un contrôle sur environ 80% de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Leur action a exacerbé la crise humanitaire, entraînant des millions de déplacés internes, l’effondrement des infrastructures et une vie quotidienne sous domination criminelle.

Les gangs, en particulier Viv Ansanm dirigé par l’ancien policier Jimmy « Barbecue » Chérizier, ont intensifié leur influence en rendant les zones qu’ils contrôlent plus « sûres » pour les civils, tout en cherchant à se présenter comme des protecteurs contre l’État et les forces de l’ordre. Ils distribuent de la nourriture et de l’argent, en particulier aux enfants, pour renforcer leur légitimité et leur pouvoir sur les communautés. Cependant, leur objectif reste la conquête de territoires et de marchés stratégiques, et non la fourniture d’un modèle alternatif de gouvernance.

Un des principaux facteurs de renforcement des gangs en Haïti est l’augmentation du trafic d’armes et de munitions, notamment en provenance des États-Unis. Ce flux constant d’armements alimente la violence et confère aux gangs un avantage significatif face aux forces de l’ordre haïtiennes, qui manquent cruellement de moyens. Les armes à feu, y compris des fusils d’assaut de type militaire, sont désormais courantes parmi les groupes criminels, leur permettant de mener des offensives de grande envergure contre la police, les forces de sécurité et même des populations civiles. La majorité de ces armes arrivent via des filières de contrebande, souvent cachées dans des cargaisons de produits de première nécessité ou de matériaux de construction. Certaines d’entre elles transitent par des ports et aéroports contrôlés ou influencés par des réseaux criminels, ce qui complique leur interception par les autorités. L’implication de certains secteurs économiques et politiques haïtiens dans ce trafic est également mentionnée comme un facteur aggravant, rendant difficile toute tentative de contrôle et de démantèlement de ces circuits illégaux.

L’accès accru aux armes a permis aux gangs de transformer certaines zones urbaines en véritables théâtres de guerre, où ils affrontent aussi bien les forces de l’État que des groupes rivaux. En conséquence, le niveau de violence a explosé, avec une augmentation des homicides, des enlèvements et des déplacements forcés de populations. De plus, ces armes ne sont pas uniquement utilisées pour asseoir un contrôle territorial, mais aussi pour exécuter des représailles, intimider des opposants et renforcer l’emprise des groupes criminels sur l’économie informelle.

Face à cette situation, le document appelle à un renforcement du contrôle des flux d’armes en Haïti, notamment par une coopération plus étroite avec les autorités américaines et internationales. Il insiste également sur la nécessité d’améliorer les capacités de la police nationale haïtienne pour lui permettre de faire face à des gangs lourdement armés, tout en mettant en garde contre les risques d’une militarisation du conflit qui pourrait aggraver encore plus l’instabilité du pays.

L’infrastructure de sécurité et les efforts de reconstruction des institutions haïtiennes sont insuffisants face à la puissance croissante des gangs. Bien que la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dirigée par la police kényane, ait été déployée en juin 2024 pour soutenir la police haïtienne, le manque de coordination avec les autorités locales et les défis liés à l’impunité et à la corruption risquent de limiter son efficacité. La situation est exacerbée par les liens entre les gangs et certaines élites haïtiennes, qui financent et soutiennent leurs activités criminelles. Des efforts internationaux, y compris des sanctions ciblées et des interventions judiciaires, sont nécessaires pour déstabiliser ces réseaux criminels et éviter leur expansion.

Le bulletin souligne l’importance d’une réponse coordonnée entre les acteurs internationaux et les autorités haïtiennes pour gérer la crise et restaurer l’ordre, tout en reconnaissant que les gangs, bien qu’ayant un pouvoir de plus en plus important, ne cherchent pas à renverser le système mais plutôt à s’en faire une partie intégrante, en se positionnant comme des intermédiaires entre les citoyens et l’État.

Voir le Bulletin ici
ou https://riskbulletins.globalinitiative.net/download/ht-obs-001-fr-screen-pdf.pdf

Violences en Haïti – en vert : les incidents / en jaune : les victimes

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