L'offre de stupéfiants en France en 2023
Observatoire Français des Drogues et des Tendances Addictives | Janvier 2025L’Observatoire Français des Drogues et des Tendances Addictives (OFDT) a publié sa note sur l’offre de stupéfiants en France en 2023.
Les tendances mondiales :
– Le cannabis reste la drogue illicite la plus produite au monde, signalée dans 146 pays. La résine de cannabis consommée en Europe provient principalement du Maroc, transportée via l’Espagne et redistribuée sur le continent. La teneur en THC de la résine de cannabis saisie en Europe a augmenté de 191% entre 2011 et 2022, passant de 8,5 % à 24,8 %.
L’herbe de cannabis est essentiellement cultivée en Europe, notamment aux Pays-Bas et surtout en Espagne, ce dernier représentant 75% des plants découverts en 2021.
– Le marché de la cocaïne est en forte expansion en Europe. La culture de la coca est concentrée en Colombie (65 % de la production mondiale), Pérou et Bolivie. Entre 2014 et 2015, des gains d’efficacité dans la transformation de la feuille de coca ont contribué à doubler la production mondiale, atteignant 2.700 tonnes en 2022. En matière de points d’entrée en Europe, la Turquie, les Balkans et l’Afrique de l’Ouest prennent de l’importance. La France sert de point de transit pour la cocaïne vers l’Océanie et l’Asie du Sud-Est.
– Le marché de l’héroïne a connu un bouleversement en 2023 en raison de l’interdiction de la culture du pavot imposée par les Talibans en Afghanistan en avril 2022. L’Afghanistan (80% de la production mondiale d’opium en 2022) a vu sa production s’effondrer de 95%, passant de 6.200 tonnes en 2022 à 333 tonnes en 2023. Son impact sur les marchés européens reste limité grâce aux stocks accumulés. En réponse, la Birmanie est devenue le premier producteur mondial d’opium, avec une production passant de 423 tonnes en 2021 à 1.080 tonnes en 2023. La route des Balkans, passant par l’Iran, la Turquie, la Grèce et l’Albanie, reste la principale voie d’acheminement vers l’Europe. Si l’interdiction persiste, elle pourrait encourager une transition vers les opioïdes de synthèse, comme le fentanyl et les nitazènes, qui offrent une production plus rapide et plus rentable.
– En parallèle, la méthamphétamine connaît une expansion inquiétante en Afghanistan, où les saisies ont doublé en 2023, atteignant 3,3 tonnes.
Les tendances françaises :
– Trois catégories d’acteurs dominent le trafic de stupéfiants en France : les réseaux « de cités » (ente de stupéfiants, tant en gros qu’au détail) ; les organisations criminelles (alliées avec des réseaux de cités, elles optimisent la logistique et sécurisent les flux d’approvisionnement) ; les usagers-revendeurs, opérant en micro-réseaux et ciblant un marché de niche.
La spécialisation croissante des tâches se traduit par une mutualisation des moyens logistiques, notamment pour l’importation et la sécurisation des transactions. La gestion des points de deal et le convoyage de drogues sont externalisés à des équipes spécialisées, permettant une réduction des risques judiciaires et une meilleure efficacité du trafic.
– Le Havre est le principal point d’entrée maritime pour la cocaïne en raison de ses connexions avec l’Amérique du Sud et les Caraïbes, mais le renforcement des contrôles en 2023 a réduit momentanément l’utilisation du port, complétée par la technique du drop-off (largage en mer).
La Guyane est devenue un hub majeur d’approvisionnement par voie aérienne mais depuis la mise en place du dispositif « 100% contrôle », les trafiquants passent désormais par les Antilles, toujours par « mules ».
– L’utilisation du fret express et postal est en augmentation, notamment à Roissy, en provenance de Guyane. Longtemps réservé à certaines substances en petites quantités (kétamine, GBL, cannabis concentrés,…), ce canal est désormais exploité pour la cocaïne et le cannabis.
– Les technologies numériques sont de plus en plus utilisées dans le trafic pour : communiquer en toute discrétion, gérer le commerce via les réseaux sociaux, blanchir l’argent (cryptomonnaies, utilisation de blockchains), investir dans les plateformes de jeux en ligne,…
– le trafic de médicaments contrôlés se développe : prégabaline (Lyrica®), buprénorphine (Subutex®), clonazépam (Rivotril®), morphine (Skénan®), méthadone et kétamine. Ce trafic par fausses ordonnances et/ou collecteurs spécialisés ; l’importation illégale depuis l’Afrique du Nord, la Grèce et l’Europe du Nord ; et les vols chez les grossistes pharmaceutiques est en augmentation, surtout en régions parisienne et lyonnaise. Les reventes de médicaments attirent d’anciens trafiquants de stupéfiants, séduits par un trafic moins risqués et moins violents.
– En 2022, il y a eu 49.000 personnes mises en cause pour trafic, se concentrant (à 90%) dans 3,5% des communes françaises. Les trafiquants sont condamnés à 83% avec des peines d’emprisonnement.
En 2023, 80 à 90% des meurtres et tentatives de meurtres entre criminels étaient liés au trafic de drogues : 418 victimes de règlements de comptes en 2023. 8.000 armes, dont 300 armes de guerre, ont été saisies en 2023.
Cannabis
Environ 5 millions de personnes ont consommé du cannabis au cours des 12 derniers mois, avec de plus en plus d’usager d’herbe de cannabis, au détriment de la résine. On constate une diversification de l’offre, notamment avec un recours plus fréquent à des circuits digitaux.
Le niveau de concentration du THC (principale substance active du cannabis) est en nette augmentation, notamment avec l’arrivée de variétés de cannabis en provenance des États-Unis, avec parfois des taux dépassant les 40% (moyenne de THC dans l’herbe de cannabis en France = 14%). On trouve également des concentrés de cannabis (wax, shatter, budder : parfois jusqu’à 90% de THC), confiseries et sirops infusés au THC, « puffs » de THC.
Saisies : 124,7 tonnes (-3% par rapport à 2022), soit 87 tonnes de résine et 37,7 tonnes d’herbe de cannabis (112.028 plants)
Taux de THC : moyenne de 29% pour la résine (+82% en 11 ans) et de 14% pour l’herbe (+27% en 11 ans)
Prix : 8 euros le gramme de résine au détail ou 3.200 euros le kilo en gros / 10 euros le gramme d’herbe de cannabis ou 4.850 euros le kilo en gros
Cocaïne
Le marché de la cocaïne en France connaît une expansion spectaculaire (10 fois plus d’usagers en 30 ans), au point de rivaliser avec celui du cannabis en termes de valeur économique. Cette hausse illustre une banalisation de la consommation, avec une diffusion bien au-delà des cercles traditionnels d’usagers festifs. Cela s’explique par : une accessibilité accrue avec des prix stables ; une offre élargie par l’utilisation du numérique ; une diffusion plus large dans toutes les classes sociales. Enfin, le marché du crack, traditionnellement concentré dans le nord-est parisien, s’est étendu notamment à Rennes, dans le bassin minier des Hauts-de-France, et dans la grande région de Lyon/Grenoble/Saint-Étienne/Clermont-Ferrand.
Saisies : 23,2 tonnes (-16% par rapport à 2022)
Pureté : 73%
Prix : 66 euros le gramme au détail / 32.500 euros le kilo en gros
Héroïne
La proportion d’usagers d’héroïne est stable depuis le début des années 1990 (0,3%), notamment grâce à une politique de substitution aux opiacés. Le marché de l’héroïne présente une forte segmentation régionale, avec une multitude d’acteurs (organisations turques, géorgiennes et albanaises ; micro-réseaux locaux se fournissant aux Pays-Bas). L’usage d’héroïne est particulièrement présent en zones rurales et périurbaines, notamment dans le Grand-Est. Depuis peu, les réseaux de cité se tournent de plus en plus vers l’héroïne.
Saisies : 1,1 tonne (-21% par rapport à 2022)
Pureté : 16%
Prix : 28 euros le gramme au détail / 14.600 euros le kilo en gros
Drogues de synthèse
Les drogues de synthèse consommées en France, principalement la MDMA/ecstasy et les amphétamines, proviennent essentiellement des Pays-Bas, qui constituent la principale zone de production en Europe occidentale. La France est également un pays de transit vers le Royaume-Uni et l’Espagne, mais aussi vers l’Afrique du Nord, ou encore les États-Unis, l’Océanie et La Réunion.
La consommation de produits de synthèse est en forte augmentation en France, notamment due à sa banalisation, et pose un problème un problème social, sanitaire et sécuritaire en Polynésie.
Saisies : 4.072.704 doses d’ecstasy (+164% par rapport à 2022) / 265 kilos d’amphétamine et de méthamphétamine (stable)
Pureté : 30% pour les comprimés d’ecstasy / 24% pour les amphétamine / 74% pour les méthamphétamine
Prix : 10 euros le comprimé d’ecstasy et 1.500 euros le kilo en gros / 27 euros le gramme de méthamphétamine / 13 euros le gramme d’amphétamine et 5.300 euros le kilo en gros
Voir la note ici
ou https://www.ofdt.fr/sites/ofdt/files/2025-01/note-bilan-offre-stups-2023_0.pdf
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