Rapport sur le marché de la MDMA dans l’Union Européenne
European Union Drug Agency | Mars 2025Le rapport « EU Drug Market: MDMA — In-depth analysis« , publié en mars 2025 par l’Agence européenne des drogues (EUDA) et Europol, propose une analyse exhaustive du marché de la MDMA au sein de l’Union Européenne. Il s’inscrit dans une série d’études consacrées aux drogues illicites circulant en Europe, en adoptant une approche méthodologique fondée sur l’évaluation des menaces. Ce document examine les dynamiques contemporaines de production, de distribution, de consommation, ainsi que les retombées environnementales et sanitaires de cette substance, en intégrant les mutations technologiques, logistiques et juridiques observées au cours des dernières années.
La MDMA, ou 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine, est une drogue de synthèse dont les effets sont à la fois stimulants et entactogènes (induisant une conscience sensorielle accrue). Brevetée en 1912 par la société pharmaceutique Merck, la substance n’a jamais été commercialisée comme médicament, bien qu’elle ait été testée à l’origine comme anticoagulant et substitut potentiel à l’épinéphrine. Son usage est resté confidentiel jusqu’aux années 1970, où elle a commencé à être utilisée à des fins expérimentales dans certains cercles thérapeutiques.
Dans les décennies suivantes, la MDMA s’est diffusée dans les scènes festives, en particulier dans les milieux liés à la musique house et techno, d’abord aux États-Unis puis en Europe. L’émergence de laboratoires clandestins, notamment aux Pays-Bas, a permis de répondre à une demande croissante. En 1986, la substance a été inscrite au Tableau I de la Convention des Nations Unies de 1971 sur les substances psychotropes. À partir de 2008, l’Europe, et plus précisément les Pays-Bas, sont devenus des centres majeurs de production à l’échelle mondiale, bénéficiant d’une infrastructure chimique préexistante et de réseaux criminels organisés.
Le marché européen de la MDMA est aujourd’hui largement dominé par des laboratoires situés aux Pays-Bas et en Belgique. Ces unités de production s’adaptent aux contraintes du marché, notamment aux pénuries de précurseurs ou aux mesures de répression. La méthode de fabrication la plus répandue, introduite en 2017, repose sur une synthèse à haute pression à base de PMK (piperonyl méthyl cétone), de méthylamine, d’oxyde de platine et d’hydrogène gazeux. Cette méthode nécessite des équipements spécifiques tels que des cuves de réaction haute pression, dont le volume peut atteindre 200 litres, permettant la production de 25 à 35 litres d’huile de MDMA par lot, voire jusqu’à 750 litres dans certains cas. Le coût d’une cuve sur mesure peut s’élever à 65.000 euros. Entre 2017 et 2020, 83 machines de compression de comprimés, originaires de Chine, ont été saisies aux Pays-Bas.
En raison de l’arrestation de plusieurs fabricants d’équipements, une transition partielle vers la méthode dite « à froid » est observée. Celle-ci utilise notamment de l’hydrure de sodium, sans recourir à l’hydrogène gazeux ni à la pression. Entre 2019 et 2021, 407 kilos d’hydrure de sodium ont été saisis en Europe, exclusivement aux Pays-Bas, auxquels s’ajoutent 210 kilos supplémentaires en 2022 et 2023, signalant une adoption croissante de cette technique.
Par ailleurs, la substitution des précurseurs traditionnels par des précurseurs de conception est en nette augmentation. En 2022 et 2023, 78,4 tonnes de ces substances alternatives (principalement des glycidates de PMK) ont été saisies, contre seulement 5,7 tonnes pour les précurseurs classiques. Entre 2019 et 2021, les Pays-Bas concentraient 86 % des saisies de précurseurs. Cette part est tombée à 44 % en 2022-2023, tandis que la Hongrie en représentait désormais 22 %, suivie par l’Allemagne et l’Italie. La majorité de ces précurseurs provenaient de Chine, souvent expédiés sous des étiquettes falsifiées.
La production de MDMA est également à l’origine d’importants volumes de déchets chimiques. On estime que chaque kilo de MDMA produit génère entre 21 et 58 kilos de résidus. Entre 2017 et 2020, 147 tonnes de déchets chimiques ont été générées aux Pays-Bas pour une production estimée entre 2,5 et 7 tonnes de MDMA. À l’échelle de l’Union Européenne, la production de 2021 aurait généré entre 1.155 et 3.191 tonnes de déchets chimiques, souvent déversés illégalement dans l’environnement.
Entre 2018 et 2022, l’Union Européenne représentait 43 % des saisies mondiales de MDMA. En 2022, environ 12 tonnes ont été interceptées, soit une augmentation de 15 % par rapport à l’année précédente. Le nombre total de saisies dans l’Union, en Norvège et en Turquie a atteint un pic de 30.000 en 2019, avant de retomber à 19.600 en 2022. La Turquie saisit en moyenne 2 tonnes de MDMA par an, tandis que les Pays-Bas restent le principal pays de saisie dans l’Union.
Entre 2019 et 2022, 95 pays non-membres de l’Union ont signalé des saisies de MDMA en provenance d’Europe. Les principaux pays d’origine des envois sont les Pays-Bas (2,8 tonnes et 24 litres saisis), l’Allemagne (1,4 tonne, 12 litres) et la Bulgarie (1,3 tonne). Le continent latino-américain devient une destination de plus en plus courante : 1,2 tonne de MDMA a été saisie sur cette période à destination du Chili (372 kilos), du Pérou (160 kilos) et du Brésil (141 kilos).
La vente en ligne reste un vecteur important de diffusion. En 2022, une analyse portant sur 18 marchés du Darknet a identifié 8 849 annonces actives pour la vente de MDMA, dont 58 % sous forme de comprimés et 42 % en poudre ou cristaux. L’Allemagne concentrait 44 % de ces annonces, les Pays-Bas 36 %, et la France 10 %. La majorité des comprimés mis en vente annonçaient des teneurs comprises entre 201 et 300 milligrammes de MDMA.
La MDMA est vendu principalement sous forme de comprimés et de poudre ou de cristaux. En 2022, la teneur moyenne des comprimés était de 144 milligrammes, contre 170 milligrammes en 2019 et 84 milligrammes en 2011. Des comprimés très fortement dosés, dépassant 250 milligrammes, sont encore présents sur le marché. Le prix d’un comprimé varie entre 4 et 19 euros, celui de la poudre entre 6 et 50 euros le gramme. Aux Pays-Bas, le coût de production d’un comprimé est estimé entre 0,25 et 0,40 euro, revendu ensuite à 0,59 euro au distributeur (valeur 2022), puis à 1,78 euro pour des lots supérieurs à 99 unités. Le prix payé par le consommateur néerlandais est d’environ 4,50 euros, pouvant grimper à 19 euros dans d’autres pays européens.
En 2021, on estime que 72,4 millions de comprimés de MDMA ont été consommés dans l’Union Européenne, générant un chiffre d’affaires au détail d’au moins 594 millions d’euros. Environ 90 % de cette consommation est imputable à des usagers fréquents. Chez les jeunes adultes âgés de 15 à 34 ans, la prévalence annuelle de consommation est estimée à 2,2 millions de personnes dans 26 pays de l’Union.
Parallèlement à son usage récréatif, la MDMA fait l’objet d’un intérêt croissant pour ses applications thérapeutiques, notamment dans le traitement du trouble de stress post-traumatique. En mai 2024, la commission néerlandaise chargée d’évaluer cette question a recommandé la mise en œuvre rapide de la thérapie assistée par MDMA. Toutefois, aucun État membre ni autorité européenne n’a encore approuvé son usage médical (à l’exception de l’eskétamine dans d’autres indications). Aux États-Unis, un comité consultatif d’experts s’est prononcé en juin 2024 contre l’approbation de la substance à visée thérapeutique, en raison d’incertitudes méthodologiques concernant les protocoles cliniques. Les menaces identifiées incluent l’évolution des méthodes de production, l’expansion du trafic vers de nouvelles régions, la sophistication croissante des précurseurs, l’émergence de MDMA pure, ainsi que les risques d’accidents liés à l’utilisation d’équipements non conformes. Le rapport souligne la nécessité d’un renforcement du renseignement stratégique et opérationnel sur les réseaux criminels, les itinéraires logistiques et les facilitateurs. Il recommande de renforcer les contrôles sur les précurseurs, d’encourager les enquêtes transfrontalières, d’investir dans les capacités analytiques des forces de l’ordre, et d’améliorer les réponses politiques, sanitaires et environnementales, y compris par la prévention, la réduction des risques et les campagnes d’information. La coopération internationale avec les pays producteurs de précurseurs, notamment la Chine, est identifiée comme une priorité stratégique.
Voir le rapport ici
ou https://www.euda.europa.eu/publications/eu-drug-markets/mdma_en
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