Étude sur les liens entre la contrefaçon et la criminalité organisée
UNIFAB | Mai 2025L’édition 2025 du rapport de l’Unifab (Union des Fabricants) met en lumière l’ampleur, la structuration et les conséquences du lien croissant entre la contrefaçon et la criminalité organisée. Le phénomène ne cesse de s’intensifier : en 2023, plus de 152 millions de produits contrefaits ont été saisis dans l’Union Européenne, pour une valeur estimée à 3,4 milliards d’euros, tandis qu’en France, les saisies douanières ont atteint 21,47 millions d’articles en 2024. Cette croissance constante est portée par la digitalisation du commerce, l’explosion du fret express et postal, et l’implication stratégique de réseaux criminels transnationaux.
Désormais, la contrefaçon ne relève plus seulement de la fraude commerciale mais constitue un pilier du financement des organisations criminelles, au même titre que le trafic de stupéfiants, d’armes ou d’êtres humains. Europol a identifié au moins 31 groupes criminels actifs dans ce secteur, dont 13 en font leur activité principale. Cette activité leur permet de générer des marges colossales à faibles risques juridiques, en utilisant les infrastructures logistiques légales (conteneurs, plateformes de vente en ligne) pour écouler les produits, tout en blanchissant des capitaux issus d’autres trafics.
Outre son rôle économique, la contrefaçon s’appuie sur la corruption et l’exploitation humaine. Elle utilise la traite d’êtres humains pour faire travailler dans des conditions dégradantes, souvent illégales, des populations vulnérables dans les chaînes de production, notamment en Asie. Ce phénomène génère également d’importants dommages environnementaux, en raison du rejet de substances toxiques par les usines clandestines et de la fabrication de produits non recyclables et dangereux.
Le rapport souligne une mutation préoccupante du phénomène avec l’émergence de sites de production en Europe même. Afin de contourner les contrôles douaniers, les trafiquants adoptent un modèle de production décentralisée et fragmentée, dans lequel les composants sont expédiés séparément et assemblés localement. Cela leur permet de réduire les risques de saisie et de répondre plus rapidement à la demande, tout en s’adaptant aux circuits du commerce en ligne.
Les conséquences pour la sécurité publique sont directes. La prolifération de faux médicaments, de pièces détachées non conformes, de cosmétiques ou de jouets toxiques expose les consommateurs à des dangers réels, allant jusqu’à des milliers de morts annuelles dans certains pays en développement. En parallèle, le manque à gagner pour les États et les entreprises est considérable : 6,7 milliards d’euros de pertes pour la France chaque année, assortis de 38.000 emplois détruits, selon le Comité national anti-contrefaçon.
>L’étude met en avant plusieurs opérations récentes illustrant la diversité et la puissance des réseaux en cause. L’opération européenne Opson XIII a permis de démanteler un système de réétiquetage de produits alimentaires et de boissons périmés générant 91 millions d’euros de bénéfices. L’opération Vulcan, menée à Manchester depuis 2022, a ciblé un quartier entier surnommé la capitale européenne de la contrefaçon, avec des résultats spectaculaires : plus de 1.000 tonnes de marchandises saisies, 216 boutiques fermées et 2,4 millions de doses de drogues illégales interceptées.
En France, des actions similaires ont été menées au marché de Saint-Ouen, où des interpellations ont révélé l’existence de réseaux associant immigration irrégulière et vente de faux produits de luxe. Des saisies record de centaines de milliers d’articles ont été réalisées, malgré une résilience des structures criminelles. À La Rochelle, en mars 2025, le procès d’un jeune ouvrier pakistanais a mis au jour l’exploitation de personnes vulnérables par un réseau international de contrefaçon de bijoux, opérant depuis le Royaume-Uni avec des ramifications en Asie.
Le rapport met également en lumière la convergence de la contrefaçon avec d’autres crimes structurés, comme le trafic de Captagon, stimulant le financement de groupes armés au Moyen-Orient, ou le piratage audiovisuel, qui a généré jusqu’à 250 millions d’euros de revenus mensuels pour des réseaux criminels ayant piraté plus de 2 500 chaînes de télévision. Enfin, la crise du fentanyl aux États-Unis illustre les effets mortels de la contrefaçon pharmaceutique, dans laquelle des cartels mexicains inondent les marchés de faux médicaments via des circuits logistiques numériques et clandestins.
Ce panorama souligne l’enjeu stratégique que représente la lutte contre la contrefaçon, devenue un véritable levier pour la criminalité organisée mondiale. Le rapport plaide pour une réponse internationale coordonnée, un renforcement des sanctions judiciaires, une sensibilisation massive du public et une coopération approfondie entre secteurs public et privé, pour enrayer un phénomène désormais central dans l’économie souterraine mondiale.
Voir l’étude ici
ou https://www.unifab.com/wp-content/uploads/2025/04/UNIFAB_Contrefacon-Criminalite_FR_2025_Synthese.pdf
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