Du mercure saisi au Pérou
Agences + Environmental Investigation Agency - États-Unis | 24.07.25Les autorités douanières péruviennes ont intercepté en juin 2025 une cargaison de quatre tonnes de mercure dissimulée dans des sacs de gravier à destination de la Bolivie, marquant ainsi la plus importante saisie de ce produit jamais réalisée dans un pays amazonien. Le conteneur, en provenance du Mexique et étiqueté comme contenant de la pierre concassée, a été repéré au port de Callao grâce à une analyse des risques et à un échange d’informations internationales. Des experts américains ont confirmé que le gravier était imprégné de mercure, une technique utilisée pour déjouer les contrôles portuaires. Ce mercure, destiné à l’orpaillage illégal, aurait permis d’extraire environ 1.600 kilos d’or.
Le mercure est un produit hautement toxique, interdit ou strictement réglementé dans de nombreux pays, mais reste central dans les activités d’extraction aurifère illégale en Amazonie. Ce métal est utilisé pour amalgamer l’or contenu dans les sédiments fluviaux, processus au cours duquel il est ensuite brûlé, libérant des vapeurs toxiques. Les résidus se répandent dans les rivières, où ils se transforment en méthylmercure, la forme la plus dangereuse, contaminant poissons, eau potable et même le lait maternel dans certaines zones comme Madre de Dios au Pérou. Les populations autochtones et riveraines sont particulièrement exposées aux effets neurotoxiques de cette pollution, en particulier les enfants et les femmes enceintes.
Le Pérou, bien que signataire de la Convention de Minamata sur le mercure depuis 2013, peine à freiner le trafic de ce métal, en raison de la sophistication croissante des réseaux criminels impliqués. Selon l’Environmental Investigation Agency, un réseau criminel unique aurait acheminé au moins 30 tonnes de mercure chaque année du Mexique vers la Colombie et le Pérou, un chiffre probablement sous-estimé. En 2024, le flux annuel aurait atteint 56 tonnes, avec de nouvelles hausses prévues en 2025, portées par la flambée des cours de l’or et des marges importantes sur la revente de mercure, qui peut être multiplié par quatre dans la région amazonienne par rapport à son prix au Mexique.
Le rapport de l’EIA met en lumière un phénomène croissant baptisé la triade or-mercure-drogue, dans laquelle l’extraction aurifère illégale est désormais liée à d’autres formes de criminalité transnationale. Le Cartel Jalisco Nueva Generación (CJNG) serait impliqué dans le trafic de mercure depuis le Mexique. En Colombie, ce sont le Clan du Golfe et la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN) qui contrôlent localement ce commerce. Des dynamiques similaires ont été observées au Brésil et en Bolivie, dans des zones à faible présence de l’État et où les camps de mineurs opèrent souvent en zone protégée.
Les trafiquants dissimulent fréquemment le mercure sous de faux documents ou au moyen de sociétés écran, ce qui leur permet de franchir les frontières sans difficulté. Une fois sur place, le métal est livré à des exploitations minières illégales installées dans des réserves écologiques ou des territoires autochtones, rendant toute traçabilité quasi impossible. Face à cette situation, les experts plaident pour des mesures structurelles, notamment la fermeture des mines de mercure encore en activité au Mexique, et une révision des règles internationales permettant encore son commerce pour l’orpaillage artisanal. Cette question devrait être au centre des discussions lors de la prochaine Conférence des parties à la Convention de Minamata.
Voir le rapport ici
ou https://eia.org/wp-content/uploads/2025/07/EIA_US_Mercury_Smuggling_report_0725_FINAL.pdf
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