Pression du crime organisé sur les manifestations sportives aux Amériques

ONUDC | Septembre 2025

Le rapport de l’ONUDC (Office des Nations-Unis contre la Drogue et le Crime), « Salvaguardar el deporte de la corrupción: Enfoque en los países de las Américas y el Caribe« , dresse un état des lieux dans 15 pays des Amériques et des Caraïbes sur les risques criminels dans le domaine sportif et propose des réponses juridiques et opérationnelles . Le rapport insiste sur la montée des manipulations de compétitions, l’essor des paris en ligne illicites (notamment via des juridictions offshore) et les risques de collusion autour des grands rendez-vous à venir comme la Coupe du Monde de football 2026 (aux États-Unis, Mexique et Canada), les Jeux panaméricains 2027 (au Pérou) et les Jeux Olympiques 2028 (à Los Angeles).

Le panorama régional montre une montée des risques sur plusieurs fronts convergents. La manipulation de compétitions progresse et touche aussi bien les compétitions masculines que féminines, avec des cas médiatisés au Brésil, au Canada et au Mexique. Seuls cinq des quinze pays étudiés disposent d’une incrimination pénale spécifique, ce qui freine prévention, enquêtes et entraide.
En parallèle, les marchés d’e-paris illégaux ont pris une ampleur considérable en deux décennies sous l’effet d’Internet et de la mondialisation des audiences. L’UNODC estime jusqu’à 1,7 milliards de dollars de mises annuelles sur des marchés illicites contrôlés par la criminalité organisée, avec des opérateurs qui se prétendent régulés pour blanchir des capitaux, et des clients vulnérables exposés à l’addiction, à la fraude et au vol d’identité. Les autorités peinent à suivre l’échelle et la portée transnationales de ces plateformes, d’où la nécessité de pénaliser clairement les paris illégaux et la manipulation associée et de renforcer la coopération entre régulateurs, justice pénale et opérateurs légaux. Un éclairage opérationnel illustre les angles morts réglementaires de juridictions offshore comme Curaçao, où des licences à bas coût, sans véritable supervision ni fiscalité, couvrent de multiples jeux en ligne, facilitant l’expansion d’opérateurs illicites vers les Amériques.

Au sein des organisations sportives, les vulnérabilités de gouvernance restent marquées par des cas de malversations, d’achats de votes et de favoritisme qui biaisent la décision et l’accès équitable aux ressources, surtout quand la supervision est déficiente. Une tendance positive apparaît toutefois vers des approches plus globales et régulées, avec des programmes de conformité, du reporting financier, des audits indépendants, des comités d’éthique et des réformes statutaires. Des avancées récentes au Mexique et au Comité olympique brésilien signalent un effort accru pour relever les standards de transparence et de responsabilité.

Les transferts d’athlètes, particulièrement dans le football, concentrent un risque élevé de paiements illicites, de blanchiment et de fraudes d’agents ou de dirigeants, avec un angle d’exploitation des jeunes joueurs. En 2024, la dépense mondiale des transferts internationaux masculins régulés par la FIFA a atteint 8,59 milliards de dollars et près de 10.000 joueurs masculins de 18 à 23 ans ont changé de pays, la part brésilienne et argentine arrivant en tête ; le segment féminin croît aussi, quoique à des montants bien moindres. Le manque de données régionales rend difficile l’estimation fine de l’ampleur des irrégularités et la hiérarchisation des risques par sport, d’où l’appel à mieux documenter les cas et les modus operandi et à encadrer la profession d’agent. Des exemples nationaux montrent la réalité des dérives, comme la sanction de 2021 en Mexique pour collusion sur le marché des joueuses de Liga MX, et, au-delà du football, des dossiers de traite mêlant faux papiers et contrats dans le baseball vers les États-Unis.

Les liens avec la criminalité organisée s’intensifient, avec des groupes qui exploitent l’écosystème sportif pour des gains à faible risque et haut rendement, de la manipulation à la corruption d’organisations jusqu’au blanchiment. Les pratiques se sophistiquent, portées par l’usage de messageries chiffrées, crypto-monnaies, portefeuilles électroniques, usurpations d’identité et réseaux de « mules » de paris. Des affaires emblématiques, comme les programmes de dopage clandestin dans les courses de chevaux aux États-Unis, illustrent l’intrication entre circuits professionnels, personnels médicaux et distribution de substances interdites. Malgré une prise de conscience croissante, les cadres juridiques et les instruments opérationnels restent incomplets et la coopération transfrontalière demeure souvent ad hoc.

Voir le rapport ici
ou https://www.unodc.org/documents/Safeguardingsport/Publications/Focus_on_countries_in_the_Americas_and_the_Caribbean_spanish.pdf

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