Allemagne : rapport fédéral sur les drogues
BundesKriminAlamt | Octobre 2025
Le rapport du BKA (police judiciaire fédérale) sur la criminalité liée aux stupéfiants en Allemagne pour l’année 2024 présente une évolution marquée par la légalisation partielle du cannabis et des développements significatifs dans plusieurs domaines. Le nombre total d’infractions liées aux stupéfiants a considérablement diminué de 34,2% pour atteindre 228.104 délits, la part de ces infractions dans la criminalité globale passant de 5,8% en 2023 à 3,9% en 2024. Cette baisse est principalement attribuable à l’entrée en vigueur le 1er avril 2024 de la loi sur la légalisation partielle de la possession et de la consommation de cannabis. Selon cette loi, la possession jusqu’à 25 grammes de cannabis dans l’espace public est autorisée pour les personnes majeures, le dépassement jusqu’à 30 grammes constituant une infraction administrative, seule la possession de plus de 30 grammes constituant désormais une infraction pénale enregistrée dans les statistiques policières. Le taux d’élucidation des infractions liées aux stupéfiants est légèrement diminué à 88,4% contre 90,8% en 2023.
Le nombre de suspects enregistrés en lien avec les infractions liées aux stupéfiants s’élève à 175.669 personnes, soit une baisse de 34%. Les 59.720 suspects de nationalité étrangère sont des turcs (8,9%), polonais (8,6%) et syriens (7%).
- Cultures et Laboratoires
Concernant la culture et la production de stupéfiants, la culture illégale de plants de cannabis en installations intérieures et sur des surfaces extérieures s’est poursuivie en Allemagne. En 2024, 366 plantations de cannabis avec des capacités de culture d’au moins 20 plants ont été saisies : 231 petites plantations (189 en intérieur et 42 en extérieur) ; 110 grandes plantations (103 en intérieur et 7 en extérieur) ; et 25 plantations professionnelles toutes en intérieur. Au-delà des plantations, de nombreuses cultures plus petites de cannabis ont également été découvertes.
Le nombre de laboratoires clandestins de stupéfiants saisis a plus que doublé sur la période de cinq ans. Au total, 37 sites de production de drogues synthétiques ont été découverts en 2024, dont 16 pour la production d’amphétamine (surtout près de la frontière avec les Pays-Bas), 5 pour la méthamphétamine, 3 pour la cathinones synthétiques, un pour la production de MDMA (le premier depuis plus de 20 ans). Une nouvelle tendance observée à l’échelle européenne concerne l’exploitation de laboratoires combinés capables de produire plusieurs types de drogues synthétiques : deux ont été saisis en Allemagne en 2024.
Les produits chimiques utilisés dans les laboratoires saisis provenaient, dans la mesure où cela était traçable, du marché intérieur allemand et du reste de l’Europe, parfois en petites quantités non suspectes provenant de différents commerçants de produits chimiques ainsi que par des boutiques en ligne chinoises. Malgré l’augmentation marquée des saisies de laboratoires professionnels de grande envergure illégaux en Allemagne, la production de drogues synthétiques s’effectue toujours principalement dans des laboratoires professionnels de grande envergure aux Pays-Bas où un nouveau record de 167 laboratoires illégaux a été saisi en 2024 contre 151 en 2023.
L’Allemagne est également de plus en plus affectée par l’élimination illégale de déchets chimiques provenant de laboratoires clandestins néerlandais. Ainsi, sept cas de ce type ont été constatés en 2024 contre quatre en 2023. La quantité de déchets et les dommages environnementaux associés ont quadruplé avec environ 5.900 litres en 2024 contre environ 1.500 litres en 2023.
- Héroïne
Concernant l’héroïne, le nombre d’infractions de trafic a diminué de 7,2% en 2024. Au total, 1.287 suspects ont été impliqués (-15,5% par rapport à 2023) : 598 ressortissants allemands et 689 suspects étrangers (Turcs : 94 ; Libanais : 86 ; Iraniens : 65).
Environ 144 kilos d’héroïne ont été saisis en 2024 contre environ 171 kilos en 2023. Dans certains cas isolés, des saisies d’héroïne blanche sur des passeurs en provenance de Thaïlande ont été signalées en Allemagne et en Europe, avec parfois une teneur en principe actif supérieure à 80%.
La contrebande d’héroïne vers l’Europe occidentale s’effectue toutefois principalement par camions en provenance d’Afghanistan, du Pakistan et d’Iran via les ramifications de la route classique des Balkans et de la route de la Mer Noire septentrionale. Les transports via la route du Sud et les livraisons d’héroïne dans des conteneurs de fret maritime sont de plus en plus fréquemment constatés. L’héroïne reste disponible en quantité suffisante pour un marché de consommateurs stable en Allemagne, bien que des prix de gros en hausse et une diminution de la qualité de l’héroïne sur le marché de rue soient déjà observables.
- Cocaïne
La tendance sur cinq ans montre une augmentation de 45,2% des infractions de trafic de cocaïne en Allemagne. En 2024, le nombre de dossier de trafic a augmenté de 10,5% par rapport à l’année précédente. Au total, 6.583 suspects ont été impliqués en lien avec le trafic de cocaïne (+12,5% par rapport à 2023) : 2.840 Allemands et 3.743 étrangers (Albanais : 522 personnes ; Turcs : 362 ; et Tunisiens : 220).
Depuis 2017, les quantités de cocaïne saisies en Allemagne ont augmenté de manière significative. Après qu’un nouveau record d’environ 43 tonnes de cocaïne saisie en Allemagne en 2023, la quantité saisie en 2024 s’est élevée à environ 24 tonnes. Aux principaux points d’entrée européens pour la cocaïne jusqu’à présent, les ports d’Anvers en Belgique et de Rotterdam aux Pays-Bas, les quantités totales saisies ont drastiquement diminué en 2024 avec environ 69 tonnes saisies contre 175 tonnes en 2023. Parallèlement, un déplacement vers l’Espagne et la France est constaté, qui sont désormais de plus en plus utilisés comme principaux points d’entrée pour la cocaïne.
La teneur en pureté de la cocaïne saisie en Allemagne a diminué dans le deal de rue de 90,1% à 86,4% et dans le commerce de gros de 90,3% à 89,4% par rapport à 2023.
Le trafic de drogue génère des profits tellement élevés que les bénéficiaires sont prêts à payer des pots-de-vin importants ou à recourir à une violence massive entre bandes concurrentes, en cas de manquement de leurs propres membres de groupe, mais aussi à des menaces et intimidations par exemple de personnalités politiques. Pour faciliter et parfois rendre possible la contrebande à l’importation, les groupes de criminalité organisée utilisent souvent des complices portuaires internes. Ces employés exploitent leur emploi légal dans le port de destination pour recueillir des informations pertinentes pour la contrebande et/ou effectuer des activités. Les complices portuaires internes sont souvent rémunérés financièrement pour leur activité illégale, parfois aussi contraints aux activités par des menaces.
– Les caches aménagées :
Lors de l’importation vers l’Europe et la redistribution ultérieure, ce sont notamment des groupes criminels des États balkaniques ainsi que des groupes de criminalité organisée turcs qui jouent un rôle prépondérant. Par ailleurs, des groupes de criminalité organisée italiens et marocains apparaissent également.
La redistribution intra-européenne de la cocaïne s’effectue pour une grande part en utilisant des véhicules de contrebande équipés de cachettes professionnelles. Selon l’estimation du BKA, le nombre total de véhicules de contrebande actifs en Europe devrait se situer dans la fourchette à cinq chiffres. En 2024, au total 188 véhicules de contrebande professionnels ont été constatés en Allemagne dans lesquels ont notamment été découverts et saisis au total 612 kilos de cocaïne, 82 kilos d’amphétamine, 145 kilos de cannabis et 14 kilos d’héroïne, ainsi que des cigarettes, de l’or et des armes.
Des données complémentaires relatives au domaine des véhicules de contrebande révèlent qu’un réseau logistique européen s’est établi dans ce secteur, constitué notamment d’agences de location de véhicules et d’autres entreprises ainsi que de particuliers qui font immatriculer une multitude de véhicules de contrebande pour le compte de groupes de criminalité organisée, ainsi que d’ateliers pour l’intégration de telles cachettes. Pour les groupes criminels, le risque de découverte lors de contrôles aléatoires est ainsi réduit au minimum, notamment également grâce à la sécurisation des cachettes par des mécanismes d’ouverture complexes.
- Les drogues de synthèse
Dans le domaine des drogues synthétiques classiques (amphétamine, ecstasy et méthamphétamine), toutes les catégories de substances continuent d’être commercialisées tant de manière conventionnelle que via Internet. Le commerce de nouvelles substances psychoactives s’effectue en revanche habituellement de manière numérique, en règle générale via des boutiques en ligne sur le clearweb.
– Amphétamine :
La tendance sur cinq ans montre une diminution des infractions de trafic d’amphétamine de 21,4% au total. Par rapport à l’année précédente, le nombre a diminué de 3,4%. Parmi les 3.431 suspects en lien avec des infractions de trafic d’amphétamine (-9,1%), 2.517 étaient des ressortissants allemands et 914 des étrangers (216 Polonais, 65 Turcs et 47 Néerlandais).
En 2024, 2.092 kilos d’amphétamine ont été saisis en Allemagne (+8,2% par rapport à 2023), de même que 50 litres d’huile d’amphétamine (136 litres en 2023). L’amphétamine saisi en Allemagne provenait principalement de la production néerlandaise et est destiné majoritairement au marché intérieur. En 2024, aucune grande saisie de comprimés de Captagon n’a eu lieu en Allemagne contrairement à l’année précédente. La quantité totale saisie s’est élevée à 3.346 comprimés contre environ 3,6 millions en 2023.
– Ecstasy :
Le nombre d’infractions de trafic en lien avec l’ecstasy a augmenté par rapport à l’année précédente de 20,9%. Parmi les 1.408 suspects enregistrés pour infractions de trafic d’ecstasy (+9,7%) : 896 étaient des Allemands et 512 étaient de nationalité étrangère (51 Syriens ; 40 Guinéens ; et 38 Gambiens).
En 2024, 1.084.576 comprimés d’ecstasy (-6,1%) et 586 kilos de MDMA (+115,4%) ont été saisis en Allemagne. Les comprimés d’ecstasy et la MDMA proviennent presque exclusivement des Pays-Bas.
– Méthamphétamine :
Après une diminution, le nombre d’infractions de trafic de méthamphétamine a de nouveau augmenté en 2024 de 11%. Au total, 1.118 suspects ont été enregistrés dans ces affaires (-2,8%) : 728 Allemands et 390 étrangers (dont 73 Tchèques, 57 Polonais et 29 Slovaques).
Environ 511 kilos de méthamphétamine ont été saisis en Allemagne (+13,3%), en provenance du Mexique (80 kilos) et des Pays-Bas/Belgique (26 kilos). En matière de transit, les aéroports de Cologne/Bonn, Francfort-sur-le-Main et Leipzig ont enregistré plus de 212 kilos de méthamphétamine, principalement dans le cadre de livraisons de fret.
– Nouvelles Substances Psychoactives (NSP) :
Les affaires de trafic de NSP ont augmenté de 55% en 2024. 295 Allemands et 147 étrangers (14 Turcs, 11 Syriens, 10 Italiens et 10 Polonais) ont été impliqués.
Les saisies de NSP se montent à 1.805 kilos en 2024, soit une augmentation de 208,5% (notamment due à une saisie unique d’une tonne de kétamine). Les NSP sont des cannabinoïdes synthétiques et semi-synthétiques à 41,2% ; de la kétamine à 23,2% ; et des cathinones à 17,8%. Il faut également souligner la forte augmentation des opioïdes (fentanyl, nitazènes) qui, bien qu’à un niveau encore comparativement faible, ont augmenté de 135,3% durant l’année. Il existe des indices que l’Allemagne est l’une des principales plaques tournantes du commerce illégal mondial de kétamine.
Les cannabinoïdes synthétiques et semi-synthétiques, comme le HHC, se diffusent en prison, notamment dans du papier imprégné, camouflé en courrier d’avocat, lettres personnelles ou dessins via la voie postale régulière. Ce papier est en règle générale fumé en petits morceaux par les détenus.
- Le cannabis
En raison des modifications législatives relatives à la légalisation du cannabis, aucune déclaration ne peut être faite sur le nombre total d’infractions de trafic de cannabis. En 2024, environ 19,4 tonnes d’herbe de cannabis et 5 tonnes de résine de cannabis ont été saisis.
L’herbe de cannabis provient en règle générale majoritairement de la culture illégale en intérieur et en extérieur en Europe occidentale. Notamment la culture professionnelle de cannabis par des groupes de criminalité organisée en Espagne a nettement augmenté ces dernières années. En 2024, de nombreux grands transports de cannabis par camions et petits véhicules utilitaires d’Espagne via la France en direction de l’Allemagne ont de nouveau été constatés. Ceux-ci ont souvent déjà été interceptés par la douane française. Par ailleurs, de l’herbe de cannabis est parvenue sur le marché allemand en provenance d’Espagne par envoi postal.
Le transport par conteneurs et envois postaux en provenance d’Amérique du Nord notamment du Canada et des États-Unis a été observé de manière renforcée. En Allemagne mais aussi dans d’autres États d’Europe du Nord et de l’Ouest, des saisies accrues d’herbe de cannabis introduite clandestinement dans les bagages d’avion en provenance de Thaïlande et d’Amérique du Nord ont eu lieu.
L’herbe de cannabis saisie en Allemagne consistait en premier lieu en matériel floral dont la teneur en principe actif a légèrement augmenté au cours des dix dernières années, passant de 12,3% en moyenne en 2013 à 14,8% en moyenne en 2024.
La majorité de la résine de cannabis saisie en Allemagne provenait en revanche comme auparavant du Maroc et était acheminé vers l’Allemagne via l’Espagne et la France directement ou via les Pays-Bas. La teneur en principe actif de la résine a plus que doublé au cours des dix dernières années, passant de 9,7% en moyenne en 2014 à 26% en moyenne en 2024.
- Le numérique
L’acquisition de stupéfiants via Internet comprenant le clearnet, le darknet, les services de messagerie et les sites de réseaux sociaux est fermement établie. L’échange de messages s’effectue le plus souvent de manière cryptée et présente un degré élevé d’anonymisation. De ce fait, l’identification des auteurs est exigeante et liée à un effort considérable.
La fermeture de différentes plateformes de marché n’a pas conduit en 2024 à ce que les vendeurs se replient immédiatement sur de nouvelles plateformes. Il peut plutôt être observé que de nombreux vendeurs proposent leurs produits simultanément sur plusieurs plateformes et ne se sont pas rendus dépendants d’un seul marché. La part de produits expédiés depuis l’Allemagne se situait en 2024 entre 11 et 20%.
En 2024, un total de 43 marketplaces en lien avec l’Allemagne (en langue allemande ou expédition depuis l’Allemagne) ont été constatées contre 55 en 2023. Parmi celles-ci, 14 plateformes de marché contre 21 en 2023 ont cessé leur activité au cours de l’année en raison de différentes circonstances.
Le commerce de stupéfiants est également constaté de manière renforcée via les réseaux sociaux et les services de messagerie, des groupes de discussion et publications librement accessibles étant fréquemment utilisés pour faire la publicité de stupéfiants. Les discussions de vente effectives se déroulent alors le plus souvent dans des discussions privées. Du fait du grand nombre d’utilisateurs de ces services et du vaste choix d’offres de stupéfiants qui s’y trouve, des cercles de personnes sont éventuellement touchés qui n’avaient auparavant aucun point de contact avec la consommation de drogue.
Des groupes de vendeurs organisés professionnellement et orientés de manière transnationale expédient des stupéfiants par dizaines de milliers à des clients dans le monde entier. Bien que les commandes s’effectuent majoritairement en petites quantités, la quantité totale constatable se situe dans la fourchette de la tonne.
L’exploitation des données des messageries cryptées démantelées (Encrochat et SkyECC notamment) ont conduit aux résultats suivants pour 2024 : 933 nouvelles procédures d’enquête initiées, 693 suspects identifiés, 5,4 tonnes de stupéfiants saisis au total, 14 armes à feu saisies, 88 millions d’euros de biens saisis, 469 condamnations et 1.986 années de peines de prison au total. Pour la période totale de 2020 à 2024, cela représente plus de 6.280 procédures d’enquête, plus de 6.251 suspects identifiés, 59,7 tonnes de stupéfiants saisis, 595 armes à feu saisies, 984 millions d’euros de biens saisis, 1.955 condamnations et 9.666 années de peines d’emprisonnement.
- Surdoses
En 2024, 2.137 décès liés à la drogue ont été enregistrés par la police en Allemagne (-4% par rapport à 2023). Les victimes sont à près de 82% des hommes, de 41 ans en moyenne (stable, même si la part des moins de 30 ans a augmenté de 14%). Les Länder les plus touchés sont la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (769 morts), la Bavière (214 morts) et Berlin (294 morts). Rapporté au nombre d’habitants, Berlin était le Land le plus touché par les décès liés à la drogue avec 7,8 morts pour 100.000 habitants, suivi de Hambourg avec 5,3 et de Brême avec 5,1. Le nombre d’intoxications mixtes a de nouveau augmenté. En 2024, deux substances ou plus impliquées ont été constatées chez 1.707 personnes décédées. Les opiacés et opioïdes sont impliqués dans 1.286 surdoses mortelles (712 pour l’héroïne et la morphine ; 665 pour des produits de substitution ; 32 pour les opioïdes de synthèse) ; 698 surdoses mortelles sont liées à la cocaïne ou au crack ; 636 aux amphétamines ; 154 aux NSP (dont 23 décès en lien avec le gaz hilarant).
Voir le rapport ici
ou https://www.bka.de/DE/AktuelleInformationen/StatistikenLagebilder/Lagebilder/Rauschgiftkriminalitaet/2024/BLB_RG_2024.html
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